Treking au Laos
Nous sommes au Laos depuis 6 jours déjà mais comme il n'y a pratiquement pas d'internet ici et quand il y en a c'est si lent que nous avons plusieurs articles en retard à publier... En voici un.
Quelle aventure! Je suis à 6 heures de marche en montagne de toute civilisation ou presque, dans un petit village Akha d’environ 500 habitants d’où j’écris ces lignes que vous ne lirez probablement pas avant 3 ou 4 jours parce qu’il n’y aura pas d’accès internet avant ça.
Commençons par la montée jusqu’ici. Tout d’abord, nous n’aurions jamais dû nous lancer dans cette aventure avec Éloïse et Nicolas. Le voyagiste nous avait dit que c’était une marche de 2 heures, un lunch, puis un autre 2 heures. Nous lui avions bien spécifié que nous avions deux enfants de 9 et 10 ans, mais non, non, ils n’auront aucune difficulté… Ayayaye! Une montée ininterrompue, très éprouvante qui a durée un peu plus de 6 heures dans un sentier de terre durcie, la plupart du temps en plein soleil. Au bout d’une heure, Éloïse pleurait et ne voulait plus avancer, c’était vraiment dur, la montée était vraiment à pic.
Après moult encouragements, elle s’est repris en main et s’est rendue jusqu’au dîner (deux heures et demie de grimpe). Là, notre guide a arrêté deux motocyclistes qui montaient et les a invités à partager les restes de notre repas. Nous avons partagé sur leurs us et coutumes et il fut convenu qu’ils donneraient un lift aux deux enfants jusqu’au village. Soulagement pour tous, ça nous permettrait d’accélérer la cadence et eux étaient ravis de ne plus avoir à marcher. Nathalie quant à elle commençait aussi à trouver que c’était vraiment difficile et je lui ai pris son sac en plus du mien pour l’alléger un peu.
Une heure et demie plus tard, voilà les deux motos qui rappliquent, Nico et Élo pleurent et comme personne ne comprend un mot ni d’anglais ni de français au village, ils sont revenus chercher quelqu’un pour s’en occuper. Nous croyions qu’il ne restait plus qu’une quinzaine de minutes avant d’arriver… Erreur! Il restait plus de deux heures à marcher. Voilà donc Nathalie et Marguerite qui embarquent sur les motos nous laissant, Juliette, le guide et moi prouver notre valeur, notre mérite et notre endurance en continuant le trajet à pied! Le paysage en vaut le détour croyez-moi, mais c’est à la sueur de notre front qu’on se le paye!
Depuis presqu’un an, aucun occidental n’a mis les pieds ici. Et ça se voit. Les villageois démontrent un intérêt et une curiosité sans borne pour nous. Nous sommes hébergés chez l’habitant comme on dit, ils nous ont installés dans la pièce principale de la maison et nos hôtes dorment dans la pièce adjacente. En tout la maison doit mesurer environ 30 pieds par 20. Outre la salle commune, il y a deux petites chambres de 7 pieds par 8. Or, dès mon arrivée dans le village, un cortège de curieux s’est constitué derrière nous et nous a suivi jusqu’à notre maison. Parmi eux, hommes, femmes, ados, enfants, tous nous suivaient. Je croyais que tout le village était derrière nous, erreur, l’autre moitié était déjà entassée dans la salle commune où se trouvaient déjà Élo, Nico, Margot et Nathalie. Nous étions l’attraction principale au grand désespoir de Nicolas qui préfère toujours n’être le point de mire de personne… Tout le monde veut nous voir, mais reste quand même discret et intimidé.
Éloïse a fait un tabac en faisant un petit spectacle de gymnastique devant les enfants, pont, rondades, roue, grand écart et split, tout y est passé et eux d’en redemander… Notre petite Élo qui a quelque fois de la misère à avoir le crachoir avec sa fratrie omniprésente, se délectait de l’attention générale qui lui était accordée. Elle a dû refaire son numéro au moins cinq ou six fois, chaque fois qu’un nouveau groupe arrivait pour nous voir…
Toutefois, peu nous adressent la parole et s’ils sont intrigués par mon appareil photo et veulent voir les photos que j’ai prises, tous se reculent et se cachent lorsque je leur demande si je peux les photographier. Seuls quelques jeunes garçons téméraires osent poser pour moi. Cette ethnie, les Akha, sont l’une des 47 du Laos, ils sont environ 100 000 sur une population totale de 6 millions et demi d’habitants.
Une des choses les plus impressionnantes ici, c'est l'âge auquel les filles se marient ici, de par leur chapeaux coloré, on peut savoir qu'elles le sont. De plus, les enfants portent leurs petits frères ou leurs petites soeurs sur leur dos. Je parle ici d'enfant de 5 ou 6 ans avec un bébé sur le dos... Je n'ai malheureusement presque pas de photos d'Akha parce qu'ils ont peur de perdre leur âme en se faisant photographier et c'est clair qu'il faut demander la permission avant de prendre la photo de quelqu'un.
Les villageois sont restés parmi nous, tout l’après-midi et toute la soirée dans notre maison même lors du souper, entassés le long des murs à nous observer et à discuter entre eux sur ce qu’ils trouvaient probablement incroyables de nous. C’était étrange mais très sympathique à la fois.
Pendant la soirée, c’était vraiment chouette, avec les petits shooters d’alcool de riz qui circulaient, les langues ont commencé à se délier et notre guide nous traduisait les propos des gens. Il y a beaucoup d’enfants ici et les femmes avaient avec elles dans la salle commune leurs plus petits enfants et le contact s’est fait beaucoup par eux qui venaient volontiers vers nous pour jouer (les plus grands enfants étaient pour la plupart relégués sur le perron à essayer de voir et d’entendre ce qui se disait à l’intérieur).
Cette province du Laos est la plus pauvre de toutes et les petits villages comme celui-ci sont les plus pauvres de cette province. Pourtant, s’il n’ont pas l’eau courante et que très peu de maisons ont l’électricité (ici c’est une simple ampoule au plafond dans la salle commune) les gens ont l’air bien et épanoui; c’est loin d’être misérable. Ici, les costumes traditionnels ne sont pas là pour les touristes et ils n’ont rien à nous vendre, ils sont justes contents de partager avec nous. Ça fait du bien à l’âme.
Quand je fais le parallèle avec nos Inuits ou nos Amérindiens qui ont été complètement dépossédés de leurs mode de vie traditionnel et de leurs coutumes par les politiques d'assimilation du gouvernement depuis un siècle, je ne peux m'empêcher d'être chamboulé. Ces Akha sont pauvres, mais ils savent qui ils sont et d'où ils viennent. Kahmhan, notre guide nous dit que le gouvernement les empêchera en 2020 de continuer la technique du "brûlis" qu'ils pratiquent depuis des siècles et qui consistent à raser la végétation d'une portion de la montagne, de laisser sécher ce bois coupé, puis le faire brûler. Cette façon de faire crée de l'engrais naturel, ils nettoient ensuite le tout et à la saison des pluies, ils y plantent ce dont ils ont besoin pour leur subsistance: riz, manioc, patate, maïs, etc... L'année suivante, ils recommencent sur un autre bout de montagne et ainsi de suite, mais au bout de huit ou neuf ans, ils reviennent au même endroit, ils font une rotation et ainsi, ce sont toujours les mêmes portions de la montagne qui se trouvent écorchés... Mais le gouvernement laotien ne l'entend pas de cette oreille et il y mettra fin, forçant probablement ces populations à déménager dans les villes et villages limitrophes pour faire quoi???
Triste à mon avis, mais certains me diront sûrement que je n'ai pas toutes les données en main pour porter un jugement éclairé. Ce que j'en dis c'est que le gouvernement canadien aussi disait agir pour le bien des autochtones en leur ravissant leurs enfants pour les envoyer se faire "civiliser" dans des orphelinats en prônant que l'assimilation à la population canadienne augmenterait leur niveau de vie... Drogue, alcoolisme, désespoir et suicide sont sûrement des vertus de la civilisation!
Fait cocasse, Nicolas me demandait tout à l’heure de lui donner de l’argent pour qu’il puisse s’acheter quelque chose. Je lui ai fait remarquer qu’il n’y avait aucun magasin ici, qu’il ne pourrait acheter quoi que ce soit! Il était abasourdi, depuis le début du voyage, surtout au Vietnam, nous sommes constamment sollicités pour acheter quelque chose, partout où l’on va, sur la rue ou ailleurs, même quand on mange au restaurant, ils viennent nous solliciter. Depuis deux jours que nous sommes au Laos, Ô bonheur, jamais ça ne nous est arrivé!
Le plus drôle : il n’y a pas de toilettes, il faut s’éloigner et aller dans le bois. Or, au petit matin, quand le besoin s’en fait sentir, voilà Nathalie qui s’éloigne dans le boisé pour s’exécuter. Or, les cochons sont ici en liberté et ils raffolent paraît-il des petits «cadeaux» que l’on peut leur laisser (nous l’avons appris plus tard) et voilà qu’une fois installée, une énorme truie s’approche d’elle pour avoir ses friandises!!! Elle a le groin si près que Nathalie en sent le souffle sur les fesses! Elle a beau crier, rien n’y fait! Nous avons appris plus tard qu’il faut se prémunir d’un « bâton-toilette » avant de s’y rendre… mais un peu trop tard semble-t-il.
La descente par un autre chemin et vers un village d’une autre ethnie, Khamhu celle-là, était plus facile et beaucoup moins longue (4 heures jusqu’au dîner) puis Nathalie et les petits terminent en moto leur descente et une dernière heure pour les courageux et nous voilà rendus au bateau qui nous ramènera à notre point de départ! Expédition mémorable s’il en est une!
Quelques photos supplémentaires mais la connexion internet est si mauvaise que je suis étonné d'avoir réussi à en mettre autant. J'ai dû m'y prendre à trois reprises pour celle-là et je n'en ai téléchargé que la moitié de celles prévues!!!
Commenter cet article